Prix René Char de la jeune poésie
National AMOPA

Les collines d'Irlande flambent dans ses grands yeux.
Elle est vieille et elle songe
Aux sentiers d'autrefois où elle courait heureuse,
Aux rivières sans âge qui murmuraient sans fin les regrets des voyages.
A sa mère si calme dont les yeux beaux et tristes disaient tous les malheurs que peut s'offrir l'amour.
A son père si jeune qui chantait haut et fort sur le whisky rageur
les complaintes défuntes de la patrie perdue.
Les collines d'Irlande flambent dans ses grands yeux.
Et son corps se rappelle les fêtes d'autrefois où elle valsait, légère, au bras des cavaliers.
Les bouquets de naguère finissent de faner dans les armoires en chêne de la vieille demeure,
Tara, à mon aimée, toi seule qui me reste.
Les collines d'Irlande flambent dans ses grands yeux.
L'horreur les agrandit, Atlanta flambe encore dans sa mémoire sourde.
Elle entendra toujours par delà les clairons le canon qui menace et les hommes qui râlent.
Les collines d'Irlande flambent dans ses grands yeux.
Et elle songe à celui qui forçait les blocus pour la saveur étrange que laisse sur la langue
le parfum capiteux du danger trop frôlé.
Elle songe au paradis perdu qui ne reviendra plus.
Et peut-être songe-t-elle aussi à tous ces beaux jeunes hommes qui sont morts à vingt ans,
qui sont morts à la vie, qui sont morts en criant, en appelant peut-être la belle aux yeux si verts,
si verts que peu importe de mourir à vingt ans.
Les collines d'Irlande flambent dans ses grands yeux.
Elise Fundoni



Les plaines d'Amérique,


Rouges à jamais les plaines d'Amérique sous les soleils en feu
des prairies dévastées.
Invincibles sous les couleurs flambantes des dieux de leurs ancêtres,
ils attendaient tranquilles que vienne l'homme blanc.
Paisibles sur les bords des ruisseaux langoureux dont les mille rochers leur murmuraient sans cesse les voix que nul ne peut entendre.
Et furieusement libres et furieusement beaux, ils virent s'approcher sous son masque trop pâle la mort et ses prisons, la mort et ses tortures.
Mais que sont des chevaux, des flèches et des prières face aux monstres tonnants, à l'acier et au fer que rien jamais n'arrête.
Rouges à jamais les prairies d'autrefois et morts sont les bisons
qui les foulaient gracieux de leur galop furieux.
Du Canada au Dakota, les arbres vieillissants tremblent encore
de ces souvenirs-là.
Rouges à jamais les plaines d'Amérique et noire sa mémoire
À jamais assombrie du souvenir des braves qui sont allés trop tôt
retrouver les ancêtres qui dansent dans le ciel autour du feu de joie.
Comanches, Sioux, Apaches, Mohicans,
À vous tous qui là-haut gardez les yeux ouverts, entendez ma prière.
Jamais toutes les pluies du monde n'effaceront vos sangs trop rouges
qui tachent de leur mieux les étoiles trop blanches du drapeau insolent.
Rouges à jamais les plaines d'Amérique...
Elise Fundoni, janvier 2001